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Opéra/ Théâtre du Capitole - L'Annonce faite à Marie - Marc Bleuse
23 novembre 2019
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CRITIQUE
Le bel hommage de Marc Bleuse à Paul Claudel
L’Annonce faite à Marie du dramaturge et poète français Paul Claudel vient enfin de trouver le chemin de l’Opéra français ! Le compositeur Marc Bleuse, particulièrement investi dans la vie musicale nationale, mais également toulousaine, a enfin réalisé son souhait de longue date de mettre en musique l’un des grands textes théâtraux de langue française. La création de L'Annonce faite à Marie a eu lieu le 23 novembre dernier à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines.
La tâche n’était pas légère. L’accueil enthousiaste d’un nombreux public, lors de cette soirée de première, permet d’affirmer qu’elle est réussie.
Rappelons que L'Annonce faite à Marie est un « mystère » (au sens médiéval du terme) en quatre actes et un prologue de Paul Claudel créé le 22 décembre 1912 par la troupe du théâtre de l'Œuvre. Jean-François Gardeil, auquel Marc Bleuse a confié l’adaptation du texte, en a conservé la structure générale,et réalisé la mise en scène dans cet auditorium inspirant de Saint-Pierre des Cuisines. Soulignons le fait que l’œuvre lyrique ainsi révélée est le résultat d’une commande du Théâtre du Capitole qu’il faut saluer et remercier pour son rôle de soutien à la création. |

L'ensemble instrumental et le choeur féminin, dirigés par Pierre Bleuse
- Photo Classictoulouse -
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Les musiciens réunis pour les deux représentations programmées rassemblent la fine fleur d’un réservoir artistique majoritairement lié à la métropole toulousaine. Autour de l’excellent Quatuor Béla, issus quant à lui du Conservatoire national supérieur de musique de Paris et de celui de Lyon, on retrouve l’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, ainsi qu’un groupe de musiciens (flûte, clarinette, contrebasse et percussions) liés au Conservatoire de Toulouse. En outre, six membres du Chœur Antiphona, dirigé par Rolandas Muleika, participent à la création. Enfin, une telle initiative ne peut être menée à bien sans une direction précise et efficace. C’est tout naturellement à son fils, Pierre Bleuse, que le compositeur a légitimement fait appel.
Soulignons tout d’abord l’intelligence et la finesse de la mise en scène qui utilise de manière optimale ce lieu particulier dont le plateau est partagé entre l’orchestre, à gauche, et l’espace occupé par les acteurs-chanteurs, à droite. Un sur-titrage efficace est en outre projeté sur la paroi droite de l’auditorium.
L’argument sacré de la pièce met en scène des personnages forts et parfois ambigus. Violaine est promise en mariage à Jacques Hury par son père, Anne Vercors, qui part pour la Croisade. Apprenant que Pierre de Craon, bâtisseur de cathédrales, est atteint de la lèpre, Violaine, par compassion l'embrasse sur la bouche. Mara, sa sœur, la dénonce auprès de Jacques Hury qui l'abandonne et épouse Mara. Violaine choisit alors de se taire et entame le calvaire qui la conduit à la sainteté. |

Les principaux protagonistes de l'ouvrage - Photo Classictoulouse - |
Marc Bleuse, que L’Annonce faite à Marie accompagne depuis l’âge de dix-sept ans, a composé pour ce « mystère » une musique multiforme, variée, poétique, souvent pointilliste, habitée de riches couleurs et de rythmes complexes. Le langage, celui de notre temps, colle au déroulement de l’intrigue. L’écriture vocale mêle le chant lyrique presque traditionnel (avec airs, duos, ensembles) qui requiert de grandes et belles voix, mais également le langage parlé parfois proche d’une sorte de Sprechgesang expressif. Soulignons l’habileté et la précision avec lesquelles Pierre Bleuse dirige cette partition complexe et équilibre les sonorités des différents pupitres ainsi que leurs rapports avec les voix.
La distribution vocale impressionne par sa qualité. Le timbre pur et lumineux, l’art du chant de la soprano Clémence Garcia confère à son incarnation de Violaine une vérité et un charme absolus. La mezzo-soprano Sarah Laulan possède le timbre et le sens dramatique qui épousent le tempérament torturé du personnage de Mara. Dans les rôles masculins, la même qualité domine. La projection vocale et le timbre sombre du baryton Pierre-Yves Pruvot impressionnent, alors que Philippe Estèphe incarne avec éclat le rôle tourmenté de Jacques Hury. La basse Lionel Sarrazin est un père douloureusement partagé. En outre deux enfants de la Maîtrise du Conservatoire de Toulouse (direction Mark Opstad) participent au commentaire vocal. Tous les rôles parlés s’insèrent avec intelligence dans le substrat musical. C’est en particulier le cas de Jean-François Gardeil qui incarne le rôle d’un moine, récitant du « Mystère ». |

La scène finale - Photo Classictoulouse - |
Les inclusions émouvantes de chant grégorien sont admirablement déclamées par le chœur féminin Antiphona, subtilement logé dans la chapelle gothique de l’auditorium. Quelques particularités viennent « épicer » le déroulement de la partition musicale, comme la participation parlée des membres du Quatuor Béla, ou encore ce très beau solo d’alto dont il faut féliciter Julian Boutin.
En outre, le troisième acte s’ouvre sur une série de pièces de la Renaissance, insérées dans la partition et magnifiquement jouées par Les Sacqueboutiers, experts en la matière. Il s’agit de la Gaillarde et Pavane Ferrarese d’un compositeur anonyme, et Vive le Roy, de Josquin des Prés.
L’œuvre se conclut sur un émouvant tableau final chargé d’émotion, évocateur de l'art pictural de la Renaissance.
Redisons ici la ferveur de l’accueil du public, ce qui prouve que la création contemporaine a toute sa place dans les saisons musicales et lyriques, lorsque la qualité est au rendez-vous.
Serge Chauzy
Article mis en ligne le 25 novembre 2019
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infos |
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Renseignements concernant les distributions, les dates et les abonnements :
www.theatreducapitole.fr
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Représentations :
23 et 24 novembre
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Les saisons musicales
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