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Opéra/ Théâtre du Capitole - Kopernikus , Claude Vivier
Théâtre Garonne - 11 décembre 2018
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CRITIQUE
Kopernikus : un étrange rituel de mort
L’entrée à son répertoire de l’ouvrage Kopernikus du compositeur québécois Claude Vivier marque la volonté louable d’innovation de la scène lyrique toulousaine et de son directeur artistique Christophe Ghristi. Le Théâtre du Capitole élargit ainsi sa palette, après avoir créé à Toulouse La Ville Morte d’Erich Wolfgang Korngold et auparavant ouvert sa saison avec l’un des opéras les plus populaires qui soit, La traviata, de Giuseppe Verdi. Il faut saluer l’intelligence de la démarche que conduit la direction artistique de cette belle institution.
Compositeur québécois foudroyé à 34 ans, Claude Vivier, né à Montréal le 14 avril 1948, mort à Paris le 7 mars 1983, hésita longtemps entre la religion et l’art. C’est finalement la musique et la poésie qui s’imposèrent. Son parcours personnel ressemble à une tragédie. Né de parents inconnus, il reçut la musique comme un élément de rêve susceptible de le protéger des atteintes de la réalité. Il connut une fin dramatique, puisque il mourut assassiné par un compagnon de rencontre, à la manière d’un Pasolini. Comme prémonitoire, son œuvre est hantée par l'enfance et la mort. Il se considérait sans indulgence aucune. Il déclarait ainsi à propos de son œuvre : « Je suis un écriveux de musique ». Sa manière de s’exprimer avec des mots et des notes n’appartient qu’à lui. Dans plusieurs de ses production vocales, il pratique un langage inventé dans lequel seule importe la sonorité des syllabes qui le composent, sortes d’onomatopées étranges. Cette particularité occupe la majeure partie du livret de Kopernikus dont il est l’auteur. Sa musique adopte les caractéristiques des tendances spectrales développées principalement par des compositeurs français comme Tristan Murail, Gérard Grisey, Hugues Dufourt ou Michaël Levinas.
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Kopernikus, Première partie - Photo Patrice Nin -
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Les trois représentations toulousaines de cet ouvrage sont données dans le cadre intimiste du Théâtre Garonne dont les dimensions et l’atmosphère conviennent parfaitement au propos développé. La trame dramatique du livret ne raconte aucune histoire à proprement parler. Si le temps semble suspendu, l’ensemble de l’œuvre évoque un rituel de deuil. La mise en scène sensible et symbolique de Peter Sellars, présent lors des représentations toulousaines, dessine les contours d’une sorte de renaissance après la mort, de trajectoire sacrée du corps vers le pur esprit.
Le grand metteur en scène américain déclare lui-même à ce propos : « Kopernikus, c’est Claude Vivier qui écrit le rituel de sa propre mort. Dans cet opéra, il a écrit la musique qu’il n’a jamais entendue dans sa vie, comme les paroles d’une mère aimante. Kopernikus, c’est une musique qui cherche, l’amour, le désir. Comme Claude Vivier, si on n’a pas d’amour dans notre vie, il faut le créer. »
Ainsi, un personnage allongé sur ce qui ressemble à une couche funéraire s’offre à la vue de tous. Serait-ce Agni, le personnage principal du récit ? C’est évidemment difficile à dire. Entouré de présence amicale, sa vie passée est évoquée par les êtres qui se succèdent à son chevet. Il s’agit là d’entités mythiques tirées de l'Histoire : Lewis Carroll, Merlin, une sorcière, la Reine de la nuit, un aveugle prophète, un vieux moine, Tristan et Isolde, Mozart, le Maître des eaux, Copernic et sa mère. Leur identification individuelle reste néanmoins difficile, voire impossible, mais leur présence est évoquée. La seconde partie de l’ouvrage met en scène la résurrection du personnage central et ce qui ressemble à son accomplissement spirituel.
Dans sa volonté de manier les symboles et les nombres, le compositeur additionne les 7 chanteurs et des 7 instrumentistes de Kopernikus, aboutissant au chiffre 14, celui de son jour de naissance. Dans la mise en scène de Peter Sellars, les instruments occupent, la plupart du temps, une estrade située au-dessus et en arrière du dispositif scénique principal, alors qu’une trompette occupe le fond de la salle, donnant une impression d’espace à la trame sonore. Les musiciens sont amenés à se déplacer tout en jouant.
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Kopernikus, Deuxième partie - Photo Patrice Nin - |
L’ensemble vocal Roomful of Teeth réunit donc sept chanteurs de grande qualité. Les épisodes qui se succèdent sans rupture véritable mettent en évidence des timbres d’une grande beauté, en particulier ceux des deux sopranos Esteli Gomez et Martha Cluver. On remarque également le rôle important joué par le baryton Dashon Burton qui, à l’instar des autres chanteurs, investit tous les registres possibles, y compris celui du sifflet ! Le danseur chorégraphe Michael Schumacher incarne de manière impressionnante le personnage principal qui transcende la mort vers un état supérieur.
Quant à l’ensemble instrumental L’Instant Donné, qui réunit un hautbois, trois clarinettes, une trompette, un trombone et un violon, il se mêle habilement aux voix. Une récitante, la seule qui s’exprime clairement en français, il s’agit de l’actrice Pauline Cheviller dont seul le visage apparaît sur un écran vidéo. Le synchronisme de tous les éléments visuels et sonores est parfaitement réalisé, même si parfois l’intelligibilité des textes passe au second plan. Mais peut-être est-ce volontaire !
Le spectacle s’achève sur la procession de tous les protagonistes qui quittent lentement la scène, comme en un adieu touchant. Onirisme et poésie habitent ce spectacle étrange et sensible.
Afin d’apprécier au mieux son déroulement il est évidemment conseillé de se renseigner auparavant sur le thème, les textes et les symboles sur lesquels se construit ce long cheminement spirituel. Le site Internet du Théâtre du Capitole constitue une aide précieuse à cet égard.
Lors de la première représentation du 11 décembre, le public, particulièrement attentif, a visiblement apprécié la nouveauté du spectacle et acclamé ses acteurs, en particulier Peter Sellars, grand artisan de cette création qui a vu le jour des 4 au 8 décembre derniers au Théâtre de la Ville (avec le Théâtre du Châtelet), à Paris, et qui sera également donnée du 17 au 19 décembre prochains au Nouveau Théâtre de Montreuil.
Serge Chauzy
Article mis en ligne le 12 décembre 2018
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infos |
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Renseignements concernant les distributions, les dates et les abonnements :
www.theatreducapitole.fr
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Représentations les 11, 12 et 13 décembre au Théâtre Garonne de Toulouse
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Les saisons musicales
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