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Livres/ Quand j'étais tueur d'ours - Salvanou |
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COUP DE CŒUR |
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Un hymne à la Nature
Milieu du 19e siècle, Ariège et plus précisément, car c’est important, au pied du Montcalm, entre le Vicdessos et Auzat. Voilà, nous y sommes. Le récit peut commencer. Car il s’agit ici d’un récit. Celui de traditions perdues et que la transmission orale a bien voulu porter jusqu’à nous. Le conteur est né en 1950. Il va donner la parole à Jacques Fidel Denjean que son arrière-grand-père a connu.
Pourquoi Fidel ? Simplement parce qu’il y a tellement de Denjean dans la vallée qu’il faut bien les identifier un à un. Celui-ci va avoir un destin particulier, il sera tueur d’ours. En plus bien sûr des activités rurales indispensables à la survie de la famille. En l’occurrence l’élevage de brebis. En ce 19e siècle vieillissant les plantigrades en question sont foison et prélèvent régulièrement des ovins, jeunes ou pas dans les troupeaux. C’est pourquoi quelques courageux se lancent sur leurs traces afin de les supprimer.
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Fidel ne tue pas que les ours, il est devenu un excellent chasseur d’isards aussi, et de lièvres à l’occasion. Mais l’ours, c’est autre chose, le Monsur comme il l’appelle, est un animal mythique et potentiellement dangereux. Les fusils, même rustiques, écartent le danger mais, pour les plus courageux, il y a la Ganibette. Ce coutelas est l’arme absolue du corps à corps entre l’homme et l’animal. Bien que protégé par une cuirasse de bois et un casque en cuir, il faut un certain cran pour se laisser étreindre par un ours. Or, Jacques fait partie de ces téméraires. Sa quête d’un vieux et gigantesque solitaire sera le fil rouge de ce livre. Cela dit, le récit de Salvanou va finalement beaucoup plus loin. Il est la chronique pastorale, rurale, sociale des années qui entourent le passage d’un siècle à l’autre, chronique qui passe par le premier conflit mondial... |
L’auteur nous fait revivre ces temps-là et plus particulièrement au travers de la vie de Jacques. De son apprentissage des métiers de paysan jusqu’à l’âge avancé qui l’achemine en toute sérénité jusqu’à la fin. Du Conseil de révision à son mariage, de ses déambulations dans tous les villages de la région avec sa peau d’ours afin de récolter des dons, des malheurs qui viendront le frapper, Salvanou ne fait aucune économie. Et notre gorge est surprise plus d’une fois.... Déjà tout cela ferait bien des qualités à cet ouvrage, mais l’auteur à l’idée, géniale, de donner la parole au fameux ours. Il lui consacre ainsi plusieurs pages qui sont autant d’hymne à la Nature, jetant au travers de ses yeux un regard qui ne peut qu’engendrer l’émotion.
Bien sûr il faut lire ce roman en le contextualisant dans une époque qui est loin d’être la nôtre et dont peu ont la connaissance. L’écrivain agit ici en passeur de mémoire en nous transmettant les derniers feux d’un temps à jamais révolu. Afin que nul n’ignore...
Robert Pénavayre
Article mis en ligne le 31 décembre 2021
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« Quand j’étais tueur d’ours » Salvanou – Editions Le Lys Bleu – 222 pages – 18,60 €
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