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Entretien avec Sophie Koch - Théâtre du Capitole - 24 janvier 2020 |
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« Le Capitole, c’est une grande histoire humaine »
Les nombreuses apparitions de Sophie Koch à l’affiche du Théâtre du Capitole ces dernières années seraient-elles dues à son ancrage familial voisin de la Ville rose ? La réponse est bien sûr dans la question. Non. Ce n’est que l’immense talent de la plus grande mezzo-française de notre temps qui est à l’origine de ces multiples invitations dont la dernière, le terrible rôle d’Ariane dans l’opéra de Paul Dukas Ariane et Barbe-Bleue en avril 2019, ne nous laissait qu’une seule envie, vite réentendre cette artiste incomparable, aujourd’hui au sommet de ses moyens vocaux. Vœu exaucé par Christophe Ghristi qui ne lui propose rien moins qu’un nouveau rôle à son panthéon wagnérien, celui de Kundry dans le Parsifal de Richard Wagner. Entretien.
Classictoulouse : Aujourd’hui près de la moitié de votre répertoire tourne autour de Richard Wagner et Richard Strauss.
Sophie Koch : Il y a un grand répertoire que j’ai peu abordé ou fréquenté : le bel canto, la musique russe, contemporaine, Britten et j’en passe ! Je suis d’avis que personne n’est un chanteur « universel » qui peut « tout » chanter. Et comme j’ai un gros penchant pour la musique allemande et française et que la carrière passe très vite, j’ai concentré mon effort sur ce qui me plaît le plus ! Je dois dire que c’est une grande chance et un grand bonheur.
: Revenons à Wagner, si je ne me trompe, des opéras régulièrement affichés de ce compositeur et dans votre tessiture, si l’on excepte la Magdalena des Maîtres-chanteurs, après Kundry, vous aurez abordé tous les grands rôles de mezzo-soprano sauf un : Ortrud. Pourquoi ? Le temps n’est-il pas encore venu ? Ou tout simplement il ne vous a pas été proposé ?
S. K. : Ce n’est peut-être pas ma vocalité préférée et l’on attend peut-être un impact vocal plus grand que celui que ma voix peut donner, c’est la raison pour laquelle je ne me suis pas précipitée. Mais si un chef en qui j’ai confiance me le demandait, je pourrai l’envisager.
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Sophie Koch
- Photo Vincent Pontet -
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: Le public du Capitole a donc le plaisir d’entendre votre première Kundry.
C’est un rôle complexe entre tous dans le répertoire wagnérien avec deux facettes bien distinctes et un second acte vertigineux. Comment l’abordez-vous théâtralement ?
S. K. : Le décor et les intentions du metteur en scène, le costume, conditionnent pas mal de choses, disent déjà beaucoup du personnage.
Après, la rencontre avec les partenaires permet ou non de laisser parler son instinct, et j’ai la chance d’avoir avec Nikolaï (ndlr : Nikolaï Schukoff, Parsifal) un formidable artiste, très à l’écoute. Je n’invente rien qui n’ait déjà été montré, j’essaie seulement de vivre le texte, de le redécouvrir à chaque fois.
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: Au regard de la partition, Kundry semble bien écrit pour un mezzo-soprano, surtout au 1er acte mais il faut reconnaître que le final du 2nd acte l’entraîne vers une tessiture de soprano dramatique avec une pluie de si naturels. En fait n’est-ce pas une tessiture mixte type Falcon réclamant outre une couleur automnale particulière, une voix longue d’un peu plus de deux octaves ?
S. K. : Il est certain que, musicalement, le rôle est pour une voix entre deux tessitures, vous avez raison. Avec cette avalanche de si naturels que Kundry doit envoyer par-dessus l’orchestre ! Je voudrais, à ce sujet, revenir sur cette Ariane et Barbe-bleue. Ce fut un grand travail et une magnifique aventure notamment sur moi-même et sur le défi fait à mon endurance vocale. C’est probablement un tournant dans ma carrière. Je dirais que Kundry est ainsi tombée plus « immédiatement » dans mes cordes.
: A ce stade de votre carrière, vous avez été déjà accueillie par les plus grandes scènes de la planète. Quels sont vos souhaits professionnels en ce début d’année ?
S. K. : De continuer aussi longtemps que possible, prendre le temps de bien préparer les nouveaux rôles qui arrivent, vivre ma vie de femme et de mère, voir mes amis, vivre en somme en espérant que la santé suive ! Et pouvoir maintenir ce lien privilégié avec le Capitole, moi qui vit près de Castelnaudary. Ce n’est pas uniquement parce que le théâtre est près de chez moi, mais parce que l’ambiance y est très familiale et chaleureuse et qu’on y travaille très bien!
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Sophie Koch dans Ariane et Barbe-Bleue - Photo Cosimo Mirco Magliocca - |
: Deux mots donc sur le Capitole ?
S. K. : Le Capitole, c’est une grande histoire humaine. D’abord avec Nicolas Joel qui m’a beaucoup gâtée jusqu’à Paris bien sûr où il m’a fait tant de fois confiance pour de si beaux rôles. Maintenant, Christophe Ghristi qui ose à son tour me confier de si magnifiques personnages. Jamais je n’aurais pensé à Ariane… Christophe m’en parlait depuis longtemps, je ne pouvais y croire… Et quel cadeau !! C’est la marque des grands directeurs. Une immense dose de culture, la connaissance des voix et du répertoire et probablement aussi le goût du risque !
: Quelles sont vos prises de rôle à venir ?
S. K. : Hérodiade de Salomé (Richard Strauss), Federica de Luisa Miller (Giuseppe Verdi), Sieglinde (La Walkyrie de Richard Wagner), Marie de Wozzeck (Alban Berg)... La retraite n’est pas encore pour demain !!
Propos recueillis par Robert Pénavayre le 24 janvier 2020 |
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