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« C’est l’espoir qui fait vivre»
Susanna des Noces de Figaro, Blanche de Dialogues des Carmélites, Servilia de La Clemenza di Tito, voilà pour les dernières apparitions sur la scène capitoline de celle qui devait en faire l’ouverture de la saison 20/21 avec Leïla des Pêcheurs de perles. Le Covid 19 étant passé par là, ce satané virus transforme la soprano belge, tout d’abord hiératique prêtresse indienne Leïla, en Fiordiligi, riche, jeune et nonchalante bourgeoise napolitaine. Comment cette transmutation s’est-elle passée ? Rencontre avec la principale intéressée.
Classictoulouse : Dites-nous d’abord comment vous allez et de quelle manière vous venez de vivre les six derniers mois ?
Anne-Catherine Gillet : C’est très gentil à vous, je vais très bien ! Je suis heureuse de retravailler et d’être ici à Toulouse !
Les six derniers mois, j’ai enfin fait connaissance avec ma famille. Je blague un peu, mais il est vrai que, étant souvent partie, je pense que notre famille n’était jamais restée autant de temps ensemble.
Sinon, j’ai étudié de nouveaux rôles, revu des anciens, commencé le yoga, pratiqué la marche en famille de façon plus intensive, fait du rangement, du bricolage et du jardinage ! (Comme un peu tout le monde, j’imagine.
: Hasard des événements, votre dernière apparition au Théâtre du Capitole, il y a 8 ans était dans un opéra de Mozart, La Clémence de Titus, dans lequel vous chantiez Servilia. Vous deviez faire vos débuts dans Les Pêcheurs de Perles en ouverture de la saison 20/21 du Capitole, mais voilà que des problèmes sanitaires vous propulsent dans rien moins qu’un autre Mozart, Cosi fan Tutte et dans une prise de rôle pour vous, celle de Fiordiligi. Quelle a été votre réaction lorsque Christophe Ghristi vous a fait cette proposition ?
ACG : Surprise, bien sûr ! Jusque-là, j’avais toujours chanté Despina, je regardais Fiordiligi du coin de l’œil, j’étudie le rôle depuis quelques années, sans oser me lancer… Quand Christophe m’a appelée, il y avait plusieurs petites voix dans ma tête, dont une qui me disait : « C’est peut-être finalement le moment d’essayer ? »
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Anne-Catherine Gillet - Photo Fabrice-Hauwel -
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: Naturellement, depuis cette Clémence, votre voix a évolué physiologiquement. Comment la qualifieriez-vous aujourd’hui ?
ACG :Je ne sais pas vraiment comment la qualifier, (je n’ai jamais vraiment su), j’imagine que je suis un lyrique-léger qui évolue vers un peu plus de lyrisme ! Ce sont surtout les personnages qui m’attirent, souvent d’ailleurs des rôles chantés par des voix très différentes les unes des autres, comme Mélisande, Blanche, Cendrillon ou encore L’Aiglon !
: Vous avez d’ores et déjà un large répertoire mozartien, mais quelles sont les difficultés inhérentes à ce nouveau rôle ?
ACG :On sent dans ce rôle, plus que dans d’autres rôles, l’empreinte de la créatrice du rôle, avec tous ces sauts d’octave, voire plus… Il est bien sûr exigeant, long, avec des couleurs et des humeurs qui changent au fil de la soirée ; au début, le chant doit être très pur, ensuite, lorsque les garçons reviennent déguisés, on passe à quelque chose de plus rythmé voire plus bouffe, enfin, dans le deuxième acte, les passages se font plus passionnés et romantiques, notamment avec le 2ème air et le duo avec le ténor. Ce rôle demande de l’aigu, du grave, des coloratura, de l’aérien, de la rondeur, du caractère, de la tendresse, de la passion, de la fureur…. N’en jetez plus, la coupe est pleine !!!
: Comment se passent les répétitions, plus particulièrement concernant les gestes barrières ? La mise en scène a-t-elle dû être modifiée ?
ACG : Ivan Alexandre a été clair dès le début, il ne souhaitait pas changer sa mise en scène. Cela tombe bien, elle est très bien comme cela ! Le fait est que le cast ne comporte que 6 chanteurs et que dans cette production, le chœur chante depuis les balcons. Ensuite, nous avons suivi les recommandations du théâtre, nous avons fait un test avant de venir, tous, séparément. Puis, nous avons commencé les répétitions masqués. Cette semaine, nous avons refait un test collectivement et nous sommes autorisés à enlever le masque lors de la pratique artistique. Dès que nous sortons de scène, nous remettons notre masque pour être au diapason de nos collègues de la régie et de la technique !
: Votre calendrier pour les prochaines années a-t-il subi des bouleversements profonds ou bien marginaux à ce jour ?
ACG : Pas encore, je croise les doigts !
: Les futures saisons vous verront-elles aborder de nouveaux rôles ? Dans l’affirmative, lesquels ?
ACG : Cette saison, j’aborde 2 nouveaux rôles : Alphise dans Les Boréades au Komische Oper de Berlin et Alice Ford dans Falstaff à La Monnaie. Et il y aura aussi Isabelle dans Robert le diable, mais un peu plus tard…
: Pensez-vous qu’il y aura un après Covid pour votre métier de chanteuse lyrique forcément différent ?
ACG : Bien sûr, on doit apprendre à vivre avec, à défaut de pouvoir vivre sans ! On peut y arriver, en étant vigilants, solidaires et respectueux les uns des autres !
: Quel est à ce jour votre plus grande peur mais aussi votre plus grand espoir ?
ACG : J’ai toujours un petit peu peur, de tout, de rien, de tomber malade, de perdre la voix… alors, j’ai appris à vivre avec ! La peur est ma meilleure ennemie, je la connais bien à force …. Mon plus grand espoir serait … de ne plus avoir peur ! Qui sait, l’espoir fait vivre !
Entretien recueilli par Robert Pénavayre le 9 septembre 2020
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